Dans le Rouergue, s'élève au milieu de hautes montagnes un petit village du nom de Roquefort, modeste hameau de cent feux à peine, qui doit sa réputation européenne aux excellents produits de ses caves, à ses fromages. Le village est bâti en amphithéâtre et adossé à d'énormes quartiers de roches qui forment un plateau fort élevé, et dans lesquelles s'ouvrent les caves.
L'origine de Roquefort se perd dans les nuages du passé, aussi bien que la date des premiers essais des caves. M.de Gaujal, dans son savant ouvrage sur le Rouergue, pense qu'elle remonte à 1070, au règne de Philippe Ier, et il base cette assertion sur une charte des archives de Conques. Cependant il est permis de supposer qu'antérieurement les habitants du pays tiraient déjà profit et utilité de ces caves.
Les caves de Roquefort sont situées au-dessous du niveau du sol, couvertes de rochers gigantesques. Elles comprennent plusieurs compartiments où l'on a pu établir jusqu'à cinq étages, les unes sont naturelles (au nombre de vingt-trois), les autres artificielles (au nombre de onze).
La température n'est pas la même dans chaque cave, dans les unes, sa maturité est plus prompte, réciproquement et par conséquent, pour qu'il atteigne le degré de perfection désirable, il lui faut un séjour successif dans chacune des caves.
Le fromage de Roquefort est fait avec du lait de brebis, après avoir trait le lait, on le passe à travers un linge, et on le coagule à une température de 20 à 25°C. Le caillé se forme, on l'agite fortement une demi-heure. Le petit lait se sépare, se précipite au fond de la chaudière, d'où on le transvase. On met alors le caillé dans des moules, où il reste dix heures à peu près, on a préalablement soin de répandre sur la première couche du pain moisi qui forme ces marbrures, signe distinctif des fromages de Roquefort. On l'égoutte avec soin, et lorsqu'il a acquis une certaine consistance, on l'enlève des moules puis on le laisse un jour entier entre deux linges.
A réception des fromages à la cave, on les superpose par trois, et on les sale d'un côté. Lorsque le sel a pénétré, on renverse les formes, et sur l'autre côté on opère de même.
Huit jours après, on enlève la première couche, le plus souvent en putréfaction, puis l'on place les fromages sur le côté, à une distance de 10 centimètres. Ils se couvrent alors d'une moisissure blanche, on les racle tous les quinze jours, et au bout d'un certain temps ils revêtent leur robe définitive.
(d'après un article paru en 1848).
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