On a longtemps pensé que les artistes du Moyen-Âge avaient volontairement omis de faire figurer leur nom parce que leur oeuvre avait pour objectif la vénération de Dieu. Des centaines de signatures nous sont pourtant parvenues qui viennent contredire cette idée reçue. Malgré tout, la plupart des auteurs sont restés anonymes, d'abord à cause du manque de ressources documentaires, et ensuite parce que les sculpteurs s'en sont longtemps tenues à leur rôle de tailleurs de pierre. Il est donc particulièrement intéressant de découvrir un homme tenant un marteau sur l'arc di de Gerlanus à Saint Philibert de Tournus. Ce Gerlanus ayant inscrit son nom sur cet arc. Il s'agit donc ici de la première représentation personnalisée d'un artiste dans l'histoire de l'art occidentale.
La plupart des noms conservés sont ceux des artistes français et plus encore des artistes italiens, artistes issus de régions qui connurent très tôt un essor économique et politique particulier. On peut donc en conclure que les commanditaires temporels ou ecclésiastiques étaient parfaitement conscients et très fiers d'avoir engagé un maître important ou bien de faire travailler un atelier de renom. Mais les artistes n'étaient destinés à connaître la gloire qu'une fois franchie l'étape historique de l'urbanisation et de la bourgeoisie, lorsqu'ils eux-mêmes enfin conscience de leurs capacités et de la qualité de leur travail et qu'ils furent reconnus par la société. tel est le message d'un certain nombre de leurs signatures. Il ne faut cependant pas perdre de vue que le nom précédé de fecit (il a fait) est souvent celui du commanditaire et non celui de l'artiste. Figure quelques fois également le nom du maître qui dirigeait l'atelier. Dans le cas de groupes d'oeuvres similaires d'un point de vue stylistique n'ayant jamais été signés, l'histoire de l'art a forgé quelques appellations.
C'est ainsi que l'auteur de son église fût baptisé "maître de Cabestany" d'après le toponyme d'un petit village des environs de Perpignan. Son style semble avoir marqué nombre de sculptures et de sites fort distants les uns des autres. Ses personnages ont toujours une grande tête, un front plat, un nez long et fort et des yeux obliques en amande. Un autre trait marquant du style du maître de Cabestany sont leurs mains surdimensionnées avec des doigts très fins. Le sculpteur drapait souvent ses personnages à l'Antique sans pour autant dénoter d'intentions archaïsantes. Ce maître est l'une des personnalités les plus fascinantes de tout l'art roman. On lui attribue des oeuvres tant en Toscane qu'en Roussillon et même en Catalogne. Les historiens de l'art voient en lui un sculpteur itinérant venu de Toscane, qui a livré la plus grande partie de ses travaux sur les contreforts pyrénéens. Le mystère planant autour de sa personne a permis de supposer, il y a quelques temps, qu'il s'agissait d'un hérétique qui aurait parcouru le pays Cathare au cours du dernier quart du XIIème siècle.
Pour les dénominations par défaut, on n'a pas seulement puisé dans les noms de lieux où des oeuvres exceptionnelles ont été édifiées mais aussi dans le thème ou le motif abordés. Le nom du maître de Dona Sancha fait référence à celui de la défunte pour laquelle cet artiste anonyme avait exécuté un sarcophage.
(Auteur : Eisbär).
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